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Donatienne Lurquin. « Doreur » : c’est quoi ce métier ? :-)

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Interviews

Publication date

14/07/2019

Décrivez votre métier, vos produits finis et vos particularités.

Le métier de doreur est double. Il peut être Doreur-décorateur, pour recouvrir de feuilles de métal n’importe quel support, intérieur ou extérieur, avec différents rendus, et selon des techniques plus ou moins simples ou compliquées, et avec plus ou moins de créativité : murs, plafonds, ornements de façade ou de toiture, décors contemporains, créations d’artistes ou de designers, etc.
A côté de cela, il peut être Doreur-restaurateur, ce qui demande beaucoup plus de discernement et réserve, de maîtrise technique, d’approche physico-chimique, de précision, de connaissance de l’art et des antiquités, ainsi que beaucoup plus de matériaux, produits et outillage. Le restaurateur travaille bien sûr sur les objets cités plus haut, mais surtout sur des objets d’art mobiliers : fauteuil, console, baromètre, pendule, cadre, miroir, statue, etc. Il faut donc aussi une bonne compréhension d’autres métiers (restauration de tableau ou de pierre, garnisseur, ferronnier, ébéniste, sculpteur, etc.), de façon à pouvoir collaborer efficacement avec eux sur une même pièce.
Le Restaurateur est toujours Doreur, mais l’inverse est loin d’être toujours vrai, contrairement à ce que laissent miroiter certaines écoles qui dispensent quelques heures d’initiation à la dorure.

Quels matériaux utilisez-vous?

Décrivez le savoir-faire, les techniques, les outils et les matériaux que vous utilisez dans votre travail.

Qu’on soit actif dans la Décoration ou dans la Conservation/restauration, et au-delà des techniques, le principal savoir-faire en dorure est l’attention, le regard, le soin et la précision. C’est-à-dire combiner la main et l’esprit.
Les outils sont génériques (brosses, pinceaux, scalpels, spatules, outils du bois ou du métal, etc.) mais aussi propres à la dorure : coussin, palette, couteau, fers à reparer, agates …
Pour le reste, nous utilisons bien sûr les feuilles de métal (or, argent, platine, palladium, laiton …), des produits naturels (bois, craie, argile, colle d’esturgeon, colle de peau de lapin, huile de lin, pigments…), certains produits plus chimiques (solvants, silicone, nettoyants, peintures …), et dans certains cas des nouveaux produits de restauration très pointus.
Et un dernier mot : un doreur digne de ce nom proscrit tous les erzatz de dorure (vernis dorés, peintures, poudres …). Le public ne fait pas toujours la différence. Lors de chaque intervention, je fournis à mes clients un rapport détaillé et illustré de ce qui a été fait, avec quoi, pourquoi et comment, ainsi que ce qu’il faut ou ne faut pas faire pour l’entretien et la conservation des dorures. La pérennité d’un métier et d’un savoir-faire passe aussi par l’information du public.

Quel est le profil type de votre clientèle ?

Il y a bien sur et majoritairement la clientèle privée, les collectionneurs, les propriétaires de patrimoine (im)mobilier, qui souhaitent faire conserver/restaurer ou décorer leurs biens.
A côté de cela, il y a les entrepreneurs (chantiers), les instances publiques (appels d’offre), les fabriques d’église, les musées, et même parfois les marchands d’art ;-).
Il nous arrive aussi de travailler en sous-traitance mutuelle pour des confrères ébénistes, garnisseurs, encadreurs, restaurateurs de tableaux, etc.

A quel âge et dans quelles circonstances avez-vous commencé ce métier ?

En ce qui me concerne, il s’agit d’un changement drastique d’orientation. Avec des études d’Histoire et d’Histoire de l’art, et de nombreuses activités artistico-manuelles, j’ai travaillé pendant plus de 15 ans dans le monde corporate (DRH dans des groupes internationaux), avant de revenir à mes anciennes amours, de me former pendant quelques années en dorure et restauration, puis de créer l’atelier.

Où et combien de temps avez-vous été formé avant d’être prêt à créer votre entreprise ? Dans un institut de formation, auprès d’un artisan ou les deux ? Quelle est d’après vous, aujourd’hui, la meilleure façon d’apprendre votre métier ? Ecoles, formations chez l’artisans…

Je me suis formée pendant 3 ans en cours du soir dans une des deux institutions belges dispensant une formation en dorure digne de ce nom. Mais en parallèle, et pendant 5 ans, j’ai bossé tous les jours bénévolement sur des pièces pour des proches, des antiquaires et d’autres doreurs, afin d’acquérir l’expérience pratique indispensable, en dorure et en restauration. En y ajoutant la lecture de tous les ouvrages possibles en dorure (pour les techniques), les visites de musées, foires, expos, salles de vente (pour le regard) …
Dans d’autres pays, l’offre de formation en dorure est plus large, et parfois plus approfondie, notamment en restauration (Paris, Avignon, Bologne, Florence …). Mais je crois qu’il s’agit aussi d’une question d’âge : la jeunesse a souvent besoin d’un cursus plus scolaire et encadré pour se former et progresser et avant de pouvoir mieux préciser ses aspirations ou projets.

Quel rôle jouent le « talent » et la « créativité » dans votre profession ?

Si « talent » veut dire maîtrise des supports, des matériaux et des techniques, alors oui, il est indispensable. Mais l’artisan n’est pas artiste. La créativité est partiellement d’application en dorure décorative. Dans la restauration, où nous sommes tenus par une déontologie de réserve, la créativité s’appliquera plutôt dans les méthodes de travail, le choix des solutions, les trucs et astuces d’atelier.

Et qu’en est-il de l’innovation, quels sont les changements depuis vos débuts ? Utilisez-vous de nouveaux matériaux, outils, ou procédés dans la fabrication, le marketing et la commercialisation ? Quel est l’impact de l’innovation sur vos performances ? Comment votre profession pourrait-elle être encore plus innovante ?

La dorure est un des seuls domaines où la restauration se fait globalement selon les mêmes techniques et avec les mêmes produits qu’il y a 2 ou 4 siècles. Pour les pièces d’exception ou muséales, cela soulève évidemment la question de la traçabilité et de la réversibilité. Dès lors, de nombreuses recherches sont effectuées depuis quelques années pour identifier des produits qui auraient la même stabilité et le même rendu que les produits anciens, mais qui soient détectables et réversibles. Nous somme ainsi appelés à utiliser dans certains cas des dispersions acryliques, des résines polymères ou composites, des nettoyants médicaux …
La modélisation 3D n’est pas encore une réalité quotidienne, mais n’est pas à exclure, par exemple pour reconstituer une partie de décor en bois sculpté disparu.
Enfin, je constate que contrairement aux artisans « d’antan » enfermés dans leurs ateliers, les nouveaux arrivants misent énormément sur les réseaux sociaux. Ce qui est un bien pour faire connaître des métiers peu connus, mais ne dispense pas de la réputation construite sur le savoir-faire, les réalisations et le long-terme.

Quelle est la meilleure façon d’apprendre votre métier?

Quel est votre message aux jeunes générations qui pourraient choisir votre profession ?

Comme je reçois souvent des demandes d’information de la part de jeunes en recherche, j’ai eu l’occasion de répondre longuement à cette question, dans un article lisible sur https://www.facebook.com/notes/donatienne-lurquin/message-pour-les-jeunes-qui-envisagent-ou-cherchent-un-m%C3%A9tier-du-patrimoine-etou/1971406166214680/

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